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YOUTUBE, INSTAGRAM, TIKTOK… L’ADDICTION AUX ÉCRANS, LE MAL DU SIÈCLE

Par David Pargamin le 24.03.2024 à 08h00, mis à jour le 25.03.2024 à 10h21
Ecouter 10 min.

Troubles du comportement, anxiété, suicides… Face à des effets inquiétants,
notamment sur les enfants, le gouvernement veut faire du « bon usage numérique »
une priorité. Les plateformes, telles que Facebook ou encore Tinder, sont mises
face à leurs responsabilités.



A Stamford (Connecticut), aux Etats-Unis. De nombreuses études confirment le
rôle des plateformes dans l’apparition de troubles associés.
John Moore/Getty Images via AFP

YouTube, Instagram, TikTok… L’addiction aux écrans, le mal du siècle
David Pargamin
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A l’hôpital Jean-Verdier de Bondy, en région parisienne, Sylvie Dieu Osika mène
un combat solitaire. Cette pédiatre a ouvert en 2019 la première consultation en
France destinée à prendre en charge des enfants exposés aux écrans. Chaque lundi
matin, elle accueille dans son cabinet des parents inquiets de voir leurs petits
absorbés par la lumière bleue depuis leur plus jeune âge. Ceux qui défilent dans
son cabinet passent déjà plusieurs heures par jour devant YouTube Kids, la
version pour enfants de la plateforme de vidéos. Avec des conséquences sur leur
développement. « Je vois passer des troubles qui n’existaient pas il y a encore
dix ans », confie-t-elle. Parmi les plus courants, des retards de langage, des
troubles du sommeil, ou encore des difficultés à gérer la frustration…



Lire aussiLa modération de réseaux sociaux, l’arme secrète du français
Teleperformance

Avec d’autres pédiatres, Sylvie Dieu Osika s’est engagée à faire reconnaître ces
troubles auprès des autorités comme un enjeu de santé publique. Ainsi, elle a
formé un collectif pour lutter contre la surexposition aux écrans et alerter les
parents sur ces risques encore mal connus. « Ils pensent souvent bien faire,
soupire-t-elle. On ne peut pas leur en vouloir. » La liste d’attente de son
cabinet résume à elle seule la détresse des médecins face à ce phénomène,
longtemps ignoré par les autorités. « Il y a un manque de formation », constate
la spécialiste.


ANXIÉTÉ, DÉPRESSION OU PERTE DE SOMMEIL

Mais une initiative politique pourrait venir lui redonner un peu d’espoir. Lors
d’une conférence de presse le 16 janvier dernier, le président Emmanuel Macron a
déclaré vouloir faire du « bon usage des écrans » une priorité pour le
gouvernement. En effet, les écrans reviennent régulièrement dans les éléments de
langage de l'Elysée où ceux-ci sont accusés d’être à l'origine de la plupart des
maux de la jeunesse : des émeutes de l’été dernier après la mort du jeune Naël
au phénomène de harcèlement en ligne constaté dans les cours de récréation. Un
dossier qui passionne jusqu’à l’épouse du président, Brigitte Macron, qui s'en
est faite l'ambassadrice en activant ses réseaux.



Pour faire le point sur ce dossier, un comité constitué de dix experts, dont des
neurologues et des psychiatres, a été chargé de s’attaquer au sujet. Pressé
d’aller vite, ce groupe de travail présidé par l'addictologue Amine Benyamina et
la neurologue Servane Mouton doit dégager un « consensus scientifique » sur le
sujet et fournir rapidement des outils pour lutter contre la surexposition aux
écrans. L'exécutif n'est fermé à aucune solution. Les conclusions du comité sont
attendues fin mars, mais il ne sera pas facile de dégager un consensus en si peu
de temps.

Car, selon leur formation, les chercheurs sont loin de partager le même
diagnostic. « La recherche n’est pas encore stabilisée », note le professeur
Marc Auriacombe, addictologue à l’hôpital de Bordeaux. A ce jour, les troubles
liés aux écrans ne sont pas encore reconnus par l’Organisation mondiale de la
santé (OMS). Le problème a bien été ajouté à la liste des addictions sans
substance dans le dernier Manuel diagnostique et statistique des troubles
mentaux (DSM‑5). Mais cette catégorie n’a pas valeur de diagnostic. Même constat
pour les troubles du comportement liés aux réseaux sociaux.



Lire aussiComment les réseaux sociaux participent à la diffusion de la culture
sexiste

Les effets des écrans sur la santé sont pourtant étudiés depuis une dizaine
d'années. En particulier en Asie, où le sujet est pris très au sérieux. De
nombreuses études chinoises confirment, par exemple, le rôle des plateformes
comme TikTok ou Instagram dans l’apparition de troubles associés, comme
l’anxiété, la dépression et la perte de sommeil. Récemment, des chercheurs de
l’université de Changsha, dans la province de Hunan, ont mesuré le degré de
dépendance des étudiants à leurs réseaux sociaux. Cette expérience menée en 2022
sur 1 539 étudiants chinois a montré que la plupart répondaient aux critères du
DSM pour définir un comportement addictif.


LA RESPONSABILITÉ DES PLATEFORMES

L’un de ses symptômes touche particulièrement les plus jeunes, il s'agit du FOMO
(Fear of Missing Out en anglais), ou de la peur de rater un événement sur les
réseaux sociaux. Un symptôme bien connu des adolescents, qui consiste à regarder
compulsivement les publications sur les réseaux sociaux sans y trouver de
satisfaction. « On ne parle pas ici de regarder un peu trop son téléphone,
insiste le professeur Marc Auriacombe. Mais d’adolescents qui ont le sentiment
de perdre le contrôle. » Une sensation qui peut devenir une source de souffrance
chez les plus fragiles avec des conséquences graves, comme des troubles de
l’alimentation, des idées fixes ou des tentatives de suicide.

Lire aussiPub ciblée : Meta visé par une plainte de consommateurs en Europe

Profitant d'un certain flou, le sujet a longtemps été mis sous le tapis par les
réseaux sociaux. Jusqu'aux révélations de la lanceuse d’alerte Frances Haugen,
ex-employée de Facebook, la question de la santé mentale des adolescents n'était
pas un sujet. Il aura fallu attendre l'audition de Haugen au Sénat en 2021 pour
apprendre que Facebook avait conscience du problème, le groupe ayant lui-même
étudié du rôle d’Instagram dans l'apparition de troubles mentaux chez les
adolescents et en particulier de la dysmorphophobie, ou le fait d’être obsédé
par son apparence physique. Cet élément a été mis en évidence par des documents
internes. « Nous empirons le rapport à son corps d’une adolescente sur trois »,
admettait ainsi l’entreprise dans une diapositive de 2019 récupérée par la
lanceuse d'alerte.


LE "BIEN-ÊTRE NUMÉRIQUE", UN ÉLÉMENT DE LANGAGE BIEN PRATIQUE

De jour en jour, la responsabilité des plateformes se précise un peu plus. En
janvier dernier, le créateur de Facebook, Mark Zuckerberg, s’est excusé auprès
du Sénat américain d’avoir contribué, via ses réseaux sociaux, au mal-être des
adolescents et de leurs familles. « Je suis désolé », a-t-il admis devant des
familles de victimes lors d’une audition publique le 31 janvier dernier. Un
premier pas vers la reconnaissance du rôle joué par les réseaux sociaux dans la
naissance de ces pathologies.

Contacté, Instagram affirme avoir pris des mesures pour éviter ces dérives. La
plateforme encourage désormais les adolescents « à prendre du recul dans leur
utilisation quotidienne » des écrans. Une option peut, ainsi, être activée par
ses abonnés pour se rappeler de « faire une pause ». Un argumentaire adopté par
la plupart des géants d’Internet, qui consiste à rendre l’utilisateur
responsable de son temps d’écran. Les fabricants de smartphones se réfugient,
eux, derrière les applications de « bien-être numérique » (mode « Chut », option
« Lever la tête »…). Des gadgets bien pratiques pour échapper aux procès qui se
multiplient aux Etats-Unis.


PREMIERS PROCÈS EN 2024

Pour la première fois, une action en justice pourrait changer la donne. Le 14
février dernier, Match, la société qui commercialise les applications de
rencontre Tinder, Hinge et OkCupid, a été attaquée en justice pour avoir rendu
accrocs au « swipe » ses utilisateurs. Ce geste, qui consiste à balayer l’écran
de droite à gauche pour faire glisser les profils, fait partie de ces petites
technologies invisibles, aussi appelées « dark patterns », qui poussent les
abonnés que nous sommes à rester le plus longtemps possible scotché à nos
téléphones. Un recours collectif a été déposé par six de ses anciens clients
pour signaler ces « fonctionnalités addictives (...) semblables à celles d’un
jeu ».

« Ces fonctionnalités reposent sur un mécanisme de récompense aléatoire,
explique Karl Pineau, enseignant et chercheur à l’Ecole de design de Nantes.
L’utilisateur ne sait pas si le prochain contenu sera intéressant, donc il
continue à regarder ». Un piège mis en place pour capturer l'attention des
utilisateurs et lui faire passer le plus de temps possible sur leurs
applications. « Leur modèle économique est basée sur l'attention, résume Jean
Cattan, secrétaire général du Conseil national du Numérique. L'addiction est une
rente, qui permet à ces applications de garder l'utilisateur captif pour vendre
de la publicité ».

Lire aussiRéseaux sociaux : une modération impuissante face à la domination
masculine

Pointées du doigt, les méthodes de TikTok font elles-aussi l’objet d’une enquête
à Bruxelles. Depuis l'adoption du Digital Services Act (DSA), un article du
droit européen oblige les plateformes à protéger leurs utilisateurs des «
risques systémiques » qui pourraient nuir à leur bien être physique ou morale.
Elles doivent veiller à ce que leurs utilisateurs ne développent pas de troubles
addictifs et mettre en place des audits. Le 19 février, une instruction a été
ouverte contre le réseau social pour avoir manqué à cette obligation. Le
commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, a dénoncé le « design
addictif » de TikTok qui enferme les utilisateurs dans une « spirale infernale »
de vidéos sur un thème identique. Jusqu'à la perte de contrôle, si ce n'est
l'overdose.

La Chine cherche le bon équilibre législatif

Poursuivi en Europe, attaqué aux Etats-Unis, TikTok continue de faire
l’autruche. Pourtant, dans son pays d’origine, la Chine, le temps passé par les
plus jeunes sur les écrans est strictement minuté. Depuis octobre dernier, le
gouvernement veut interdire aux moins de 18 ans de se connecter sur les réseaux
sociaux entre 22 heures et 6 heures du matin. Une limite de temps a été fixée
pour les jeux vidéo. Les adolescents chinois sont invités à ne pas y passer plus
de 90 minutes par jour.

Portées par l’administration responsable du cyberespace en Chine (CAC), ces
mesures ne sont pas toutes entrées en vigueur. Mais un nouveau règlement sur la
protection des mineurs a été publié le 1er janvier. Des contrôles y sont imposés
aux constructeurs. « Les fabricants de terminaux doivent installer un logiciel
de protection du réseau pour les mineurs avant que le produit ne quitte l’usine
», affirme le texte. Une reprise en main musclée du problème, alors que le pays
interdit déjà certains jeux.

Bien qu’ils ne soient pas nommés, « les produits et les services qui induisent
une dépendance » sont visés par les autorités. Ils seront exposés à des amendes
pouvant aller jusqu’à 1 million de yuans (128 000 euros). En décembre dernier,
l’annonce de ces mesures avait fait chuter les cours des grandes entreprises
technologiques chinoises, dont ceux de Tencent et de NetEase. Un argument qui a
incité le Conseil des affaires d’Etat chinois à alléger cette loi.



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François-Marie Robin
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il y a 6 mois
Les réseaux mettent au premier plan, ce à quoi nous vous intéressez. Si vous
allez voir deux ou trois fois un site, une page Facebook participez à un...
Lire plus
Lire 24 arguments Oui
Mle. Doggybag
2,5 k points
Débatteur Renommé
Non
il y a 6 mois
Non, je ne crois pas. Le Net propose et le citoyen dispose après tout. Libre à
lui de chercher, de confronter l'information, de creuser ses intimes co...
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